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19/04/2009

Contre les vices charnels et l’impureté

 

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À cinq ans Sainte Marguerite-Marie Alacoque (1647-1690),

fit, à l’insu de tous,

sa première consécration à la messe ou elle prononça ces mots :

« Ô mon Dieu, je vous consacre ma pureté et vous fais vœu de perpétuelle chasteté »

 

Il m’apparaît judicieux de proposer, eu égard aux incroyables ravages provoqués par la licence et la décomposition des mœurs dans nos sociétés modernes, y compris dans les milieux prétendus catholiques où l’on voit aujourd’hui d’indignes littérateurs conciliaires auteurs d’abjects ouvrages blasphématoires qui sont l’objet d’une incroyable publicité, se faire les coupables avocats de la luxure et de l’orgasme, un sermon de Bourdaloue (l’un des plus grands moralistes du XVIIe siècle, le plus « janséniste » des jésuites selon la formule devenue célèbre) sur « l’impureté », sermon qu’il prononça en période de carême, afin de mettre en exergue la terrible puissance séductrice d’un nocif penchant à  l’impudicité charnelle qui s’est imposé hideusement à l’ensemble de nos contemporains.

En effet, le spectacle de l’immoralité est à ce point devenu courrant, que l’on ne s’étonne plus de voir des femmes, évidemment dans la plus complète nudité d’Eve, exposées dans des positions qui manifestent une rare absence de honte, tant sur les murs de nos villes que dans les magazines ou les journaux, ceci au prétexte de publicité ; sans parler des horreurs de l’érotisme et de la pornographie dans toutes les variantes de leurs diverses sous-catégories immondes, qui s’étalent de façon généralisée aux yeux de tous, et dont l’univers nauséabond et affreusement diabolique de l’internet est un extraordinaire pourvoyeur auprès des populations, y compris les plus jeunes âmes qui y trouvent à présent un terrain propice à leur perdition.

 

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« Celui qui veut garder inviolablement la chasteté, dit saint François de Sales,

doit la confier et la mettre entre les mains de la reine des anges,

et attendre tous les secours nécessaires pour surmonter les difficultés

qui s'y rencontrent de sa puissante protection.

Il doit se souvenir que c'est un don de Dieu,

qu'il faut par suite lui demander par prières, jeûnes et autres bonnes œuvres,

que c'est un don qui est accordé aux humbles, l'impureté étant la peine du vice superbe,

étant certain que tôt ou tard les vains et orgueilleux tomberont dans quelque péché honteux. »

 

 

Plus que jamais, il importe donc de s’élever avec fermeté contre le venin de l’impureté, chemin effectif de réprobation, car il nous représente dès cette vie l'état des réprouvés après la mort dans la mesure où, précisément, rien ne nous expose à un danger plus certain de tomber dans l'état infernal des réprouvés, c’est-à-dire d’être éloigné et séparé de Dieu, que ce vice abject, sachant que l’impureté ouvre une voie directe, par son attraction voluptueuse, aux pires abaissements libidineux et compromissions révoltantes dont se délecte l’ennemi du genre humain pour faire chuter et perdre en permanence les faibles créatures que nous sommes, et surtout les ravir définitivement à Dieu.

 

Il est de la sorte, si nous voulons nous prémunir contre les redoutables pièges du démon, plus qu’utile de lire attentivement les lignes que nous laisse Bourdaloue, et d’en méditer avec un soin tout spécial le sens, afin de s’engager véritablement, en se gardant des pièges tendus par les vices charnels, dans la recherche d’un état de sainteté intérieure que le Ciel exige de chaque chrétien.

 

 

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« C’est la virginité de Marie qui a attiré Jésus du ciel…

cette pureté angélique est le bien de la divine Marie… »

(Bossuet)

 

 

 

SERMON POUR LE IIIe DIMANCHE DE CARÊME
SUR  L'IMPURETÉ.

Bourdaloue (1632-1704)

 

Il y a des démons de plusieurs espèces; mais entre tous les autres, celui que nous devons avoir particulièrement en horreur, c'est le démon d'impureté. Rien de plus ordinaire et de plus pernicieux que le vice qu'il entretient dans les cœurs, et c'est ce vice abominable que j'attaque dans ce discours.

 

Quatre choses marquées dans l'Ecriture expriment parfaitement l'état des réprouvés dans l'enfer, savoir : les ténèbres, le désordre, l'esclavage, et le ver de la conscience.

 

Or, de tous les péchés, l'impureté est celui :

 

-          1° qui jette l'homme dans un plus profond aveuglement d'esprit;

-          2° qui l'engage dans des désordres plus funestes;

-          3° qui le captive davantage sons l'empire du démon;

-          4° qui forme dans son cœur un ver de conscience plus insupportable et plus piquant.

 

1° Aveuglement : car l'impureté rend l'homme tout charnel. Or, de prétendre qu'un homme charnel ait des connaissances raisonnables, c'est vouloir que la chair soit esprit : Animalis homo non percipit ea quae Dei sunt. En effet, dit saint Bernard, l'impudique se réduit à la condition des bêtes, lorsqu'il suit les mouvements d’une passion prédominante dans les bêtes. Par conséquent, il n'a plus ces lumières de l'esprit qui nous distinguent des bêtes, et qui nous font agir en homme. Aussi voyons-nous tant de voluptueux, au moment que la passion les sollicite, fermer les yeux à toutes les considérations divines et humaines. Venons au détail. Ils perdent surtout trois connaissances : la connaissance d'eux-mêmes, la connaissance de leur propre péché, et la connaissance de Dieu.

Ils perdent la connaissance d'eux-mêmes et de ce qu'ils sont.  Exemple de ces deux vieillards qui, sans se souvenir de leur dignité et de leur âge, tentèrent la chaste Suzanne. Aussi les poètes, selon la remarque de Clément Alexandrin, en décrivant les infâmes commerces de leurs fausses divinités, les représentaient toujours déguisées,  et souvent métamorphosées en bêtes : pour nous faire entendre que ces dieux prétendus n'avaient pu se porter à de telles extrémités sans  se méconnaître. Et certes n'est-il pas surprenant de voir jusques à quel point ce péché abrutit l'homme? On oublie tout. Un père oublie ce qu'il doit à ses enfants, un juge ce qu'il doit au public , un ami ce qu'il doit à son ami, un prêtre ce qu'il doit à Jésus-Christ, une femme ce qu'elle doit à son mari, une fille ce qu'elle se doit à elle-même.

 

Je dis plus. L'impudique perd la connaissance de son péché, ou plutôt de la grièveté de son péché. Dans les règles communes, c'est par l'expérience que nous parvenons à la connaissance des choses; mais dans le péché dont je parle, il arrive tout le contraire. Car nous ne le connaissons jamais mieux que quand nous n'en avons nul usage, et nous n'en perdons la connaissance qu'autant que nous nous licencions à le commettre. Une âme encore innocente et pure le regarde comme un monstre ; mais un pécheur par état le traite de galanterie, et s'en applaudit. Aurait-on jamais cru qu'il dût y avoir des chrétiens assez corrompus pour traiter de simple galanterie un péché de cette conséquence? Et qu'est-ce encore que d'entendre des femmes dans le christianisme tenir de semblables discours, et regarder comme des bagatelles de vrais crimes? Ces conversations libres, ces entretiens secrets et familiers, ces amitiés prétendues honnêtes, ces commerces assidus de visites et de lettres, ces artifices de la vanité humaine, cette détestable ambition d'avoir des adorateurs, ces douceurs vraies ou fausses témoignées à un homme mondain, ces habillements immodestes : tout cela n'est rien, dites-vous ; mais la question est de savoir si Dieu en jugera de la sorte, et si vous-mêmes, lorsqu'il faudra comparaître devant son tribunal, vous n'en jugerez pas autrement.

 

Enfin, ce péché nous fait perdre la connaissance de Dieu. On peut dire que les impudiques sont communément des esprits gâtés en matière de créance, et que le progrès de l'impiété suit presque toujours le progrès du vice. La raison est que la vue d'un Dieu troublant le voluptueux dans son plaisir, pour mieux goûter son plaisir il prend le parti de renoncer Dieu ; et ce fut ainsi que Salomon devint idolâtre. Les païens, selon la remarque de saint Augustin, ayant fait eux-mêmes leurs dieux, ils les ont fait selon leur caprice, et tels qu'ils les ont voulus : des dieux passionnés, emportés, adultères. Mais comme notre Dieu est indépendamment des hommes tout ce qu'il est; le voluptueux, désespérant de le changer, et le trouvant toujours contraire à sa passion, le désavoue. Or, y a-t-il rien de plus affreux dans les ténèbres de l'enfer que cet aveuglement ? Les ténèbres de l'enfer ne sont que des ténèbres extérieures: In tenebras exteriores; au lieu que l'aveuglement de l'impudique est tout intérieur.

 

2° Désordre et confusion. Dans le désordre même de l'enfer, il y a un ordre supérieur que la justice divine y a établi, puisque c'est là que Dieu punit ce qui est punissable : au lieu que le désordre de l'impureté est un pur désordre. Il consiste, selon saint Augustin, en ce que l'esprit se laisse gouverner par les sens. Il consiste, selon saint Chrysostome, en ce que l'impureté porte l'homme à des excès où la sensualité même des bêtes ne se porte pas. Exemple de ces villes abominables dont il est parlé au livre de la Genèse, et sur qui Dieu fit éclater sa colère. Enfin, selon Tertullien, il consiste en ce que l'impureté a une liaison presque nécessaire avec tous les autres vices, et que tous les autres vices sont, pour ainsi parler, à ses gages et à sa solde. De là les guerres et les dissensions, les discordes et les haines irréconciliables, les profanations et les sacrilèges, les empoisonnements et les assassinats, les trahisons et les noires impostures, les injustices et les violences, les dépenses excessives et la ruine des familles. C'est ainsi que l'impureté renverse tout.

L'indignité est qu'une femme perdue d'honneur et de conscience, par un renversement autrefois inouï, fasse elle-même les avances les plus criminelles et les plus honteuses. L'excès du désordre est que toutes les bienséances qui servaient de rempart à la pureté soient maintenant bannies comme incommodes. Le comble du désordre est que les devoirs les plus inviolables chez les païens mêmes soient parmi nous des sujets de risée. Un mari sensible au déshonneur de sa maison est le personnage qu'on joue sur le théâtre. Quel désordre encore qu'un mari, pourvu d'une femme prudente et accomplie, mais entêté d'une passion bizarre, aime avec obstination ce qui souvent n'est point aimable, et ne puisse aimer par raison ce qui mérite tout son amour !

 

3° Esclavage. Point de péché qui rende l'homme plus esclave du démon. Dans les premiers siècles de l'Eglise, remarque saint Augustin, cet ennemi de notre salut attaquait les chrétiens par les persécutions : pourquoi? parce que les chrétiens alors vivaient dans une entière pureté de mœurs, et que, ne pouvant s'en rendre maître par l'amour du plaisir, il tâchait à les vaincre par l’horreur des supplices. Mais depuis qu'il a trouvé moyen de s'introduire par les voluptés sensuelles, toutes les persécutions ont cessé. Car cette voie lui a paru bien plus courte et plus assurée. Triste esclavage, où gémit si longtemps saint Augustin !

 

4° Ver de la conscience et trouble. Trouble du côté de Dieu, que l'impudique envisage comme le juge de ses actions et de sa vie. Dans les autres péchés, on peut se faire plus aisément une fausse conscience, et le pécheur dans sa fausse conscience trouve une espèce de repos. Mais l'impureté est un vice trop grossier pour servir de sujet aux illusions d'une conscience erronée. Ainsi, pour peu qu'on ait encore de religion, il n'y a point de péché que le remords suive de plus près. Il est vrai que l'impudique perd assez communément la foi : mais en quelles incertitudes le jette alors son infidélité même ! et cette infidélité ne l'assurant de rien cl lui faisant hasarder tout, de quel secours lui peut-elle être pour avoir la paix ? Trouble encore plus sensible du côté de l'objet qu'il adore. Dans la naissance de cette passion, quel tourment est comparable à celui d'un esprit blessé qui aime, et qui s'aperçoit qu'il n'est pas aimé ! ou si l'on répond à ses assiduités, quelles craintes au moins qu'on n'y réponde pas également, qu’on n'y réponde pas sincèrement, qu'on n'y réponde pas constamment! Dans le progrès de cette même passion, que ne faut-il pas essuyer? caprices, fiertés, hauteurs, légèretés de la part de celle dont on a fait son idole. Surtout si la passion se tourne en jalousie, comme il arrive presque immanquablement ; quel enfer! Et quelle issue enfin, quel dénouement ordinaire ont ces criminelles intrigues? La seule vue de l'avenir n'est-elle pas une peine continuelle et toujours présente, quand on se dit à soi-même il qu'un se le dit avec assurance : Cette passion finira; et le succès le moins fâcheux que j'en puisse attendre, c'est qu'elle finira pas quelque chose de désagréable ? Ah! mon Dieu, nous ne le comprenions pas, mais nous sommes obligés de le reconnaître, que vous ne châtiez jamais plus rigoureusement le pécheur qu'en le livrant à ses appétits déréglés.

 

 

Deuxième partie. Impureté, principe de la réprobation.

 

Opérer la réprobation dans une âme, c'est la conduire à l'impénitence finale. Or, il n'y a point de péché qui semble plus éloigné de la pénitence que l'impureté, et qui par conséquent, dans le cours ordinaire, soit plus irrémissible. Je ne dis pas irrémissible dans le sens que l'a entendu Tertullien, lorsqu'il prétendait que ce péché était absolument sans remède, et que quelque marque de pénitence que donnât le pécheur, l'Eglise ne le devait et ne le pouvait jamais recevoir ; mais j'entends qu'entre les péchés, il n'y en a point de plus difficile a guérir, et que par ses engagements criminels l'impudique se fait, pour ainsi parler, à lui-même un état d'impénitence, d'où il pourrait et d'où il ne veut presque jamais sortir. Voilà en quoi la vérité que j'établis est différente de l'hérésie de Tertullien. Hérésie qui, tout insoutenable qu'elle est, nous fait toujours connaître de quelle horreur on était alors prévenu contre le péché que je combats, et combien à l’égard de ce crime la discipline de l'Eglise était rigoureuse. Hérésie fondée sur des raisons en elles-mêmes très solides, mais dont Tertullien tira des conséquences outrées.

 

Sans donc porter la chose si loin,je dis que l'impureté conduit à l'impénitence finale : comment ?

 

-          1° parce qu'il n'est point de péché qui rende le pécheur plus sujet à la rechute ;

-          2° point de péché qui expose plus le pécheur à la tentation du désespoir ;

-          3° point de péché qui tienne le pécheur plus étroitement lié par l'habitude.

 

1° Rechute. Je retournerai dans ma maison d'où je suis sorti, dit l'esprit impur : je reprendrai dans cette âme tons les avantages que j'y ai perdus, et le dernier état où elle se trouvera sera pire que le premier. J'en appelle, Chrétiens, à votre expérience : et n'est ce pas là ce qui nous rend vos confessions suspectes quand vous avez recours à nous dans le sacré tribunal?

 

2° Désespoir. Desperantes semetipsos tradiderunt impudicitiœ. Mais de quoi surtout désespère l'impudique? il désespère de sa conversion, où il voit des difficultés presque insurmontables. Il désespère de sa persévérance, témoin qu'il est de ses légèretés passées. Il désespère de Dieu, et il désespère de lui-même : de Dieu, parce qu'il a si souvent abusé de sa miséricorde ; de lui-même, parce qu'il a de si sensibles convictions de sa faiblesse.

 

3° Habitude. Tout y contribue : les occasions beaucoup plus fréquentes, la facilité de commettre le péché beaucoup plus grande, les impressions qu'il laisse beaucoup plus fortes, le penchant beaucoup plus violent. Aussi combien voyons-nous d'impudiques par habitude et par profession qui se convertissent? une Madeleine, un Augustin pénitent, ce sont des espèces de prodiges. Ce n'est pas que ces voluptueux ne se présentent quelquefois au sacrement de la pénitence; mais de la manière dont ils s'y comportent, c'est plus pour leur condamnation qu'ils s'y présentent, que pour leur justification. Quand donc feront-ils pénitence? Dans cette vie? ils ne s'y déterminent jamais. Dans l'autre? elle est inutile. A la mort? c'est le péché qui les quitte, et non pas eux qui quittent le péché.

Cela seul me fait comprendre la vérité de cette terrible parole de Jésus-Christ : Beaucoup d'appelés et peu, d'élus. Car l'Apôtre nous apprend que les impudiques ne seront jamais héritiers du royaume de Dieu, et nous voyons d'ailleurs que le monde est plein de ces hommes sensuels et esclaves de leur plaisir.

 

C'est à vous, Chrétiens, a y prendre garde tandis qu'il est encore temps : car il est temps encore après tout, et je n'ai point prétendu dans ce discours vous ôter toute espérance, mais vous engager a une vigilance plus exacte, et vous porter a faire de nouveaux efforts.

 

Nous avons besoin pour cela, Seigneur, d'une grâce victorieuse et toute-puissante. Grâce que je vous demanderai sans cesse, à laquelle je me disposerai, a laquelle je répondrai, et que je conserverai avec soin :

 

 

« Lorsque l'esprit impur est sorti d'un homme, il va par des lieux arides,

cherchant du repos, et il n'en trouve point. Alors il dit :

Je retournerai dans ma maison d'où je suis sorti ;

et à son retour il la trouve vide, balayée et ornée.

Il part aussitôt, et il va prendre avec soi sept autres esprits plus méchants que lui ;

 ils rentrent dans cette maison, et ils y habitent. »

 

(Saint Matthieu , chap. XII, 43-45.)

 

15/02/2009

Saint Augustin et le Tractatus Adversos Judaeos : La doctrine du "Verus Israël"

Le Tractatus Adversos Judaeos de saint Augustin

 ou l'aveuglement des juifs et la doctrine du "Verus Israël"

 

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« De nouveau, Pilate sortit dehors et leur dit :

‘‘Voyez, je vous l'amène dehors, pour que vous sachiez

que je ne trouve en lui aucun motif de condamnation’’.

Jésus sortit donc dehors, portant la couronne d'épines et le manteau de pourpre ;

et Pilate leur dit : ‘‘Voici l'homme’’.

 Lorsqu'ils le virent, les grands prêtres et les gardes vociférèrent, disant :

‘‘Crucifie-le ! Crucifie-le !’’

Pilate leur dit : ‘‘Prenez-le, vous, et crucifiez-le ;

car moi, je ne trouve pas en lui de motif de condamnation.’’

Les Juifs lui répliquèrent :

‘‘Nous avons une Loi et d'après cette Loi il doit mourir,

parce qu'il s'est fait Fils de Dieu.’’ »

(Jean 19, 4-7)

 

Le « Tractatus Adversos Judaeos » de Saint Augustin, dont nous donnons ici de larges extraits, est l’un des textes de référence, aujourd’hui cependant bien oublié, de nature cependant à nous donner les éléments théologique nécessaires afin de pouvoir penser correctement, sur le plan théologique, le seul qui nous importe, la question de la place, du rôle et de la situation du peuple juif avant et après la venue de Jésus-Christ. La thèse de tous les Pères de l'Eglise fut que les Juifs, qui contituèrent le peuple « élu » de l’Eternel, eurent, hélas ! une évidente responsabilité dans la mort de Jésus, d’où l'accusation de « peuple déicide » et de « peuple perfide », qui sera d’ailleurs reprise par la liturgie elle-même. Or, si le peuple juif est « déicide », toute l'histoire suivante doit être interprétée comme une conséquence de  l’acte extraordinaire qu’il fut perpétré au Golgotha, et doit être expliquée comme participant du « châtiment de Dieu », dont la destruction de Jérusalem est sans doute le symbole le plus impressionnant.

L’idée fondamentale, qui présidera dès  lors à la doctrine de l’Eglise, qui relève du point de vue doctrinal de l’antijudaïsme théologique, est que  l’Ancienne Alliance passée avec les fils d’Israël est devenue caduque, le bénéfice de cette Alliance passant aux chrétiens qui deviennent les héritiers de la Nouvelle Alliance, ceci dans la mesure où Jésus a accompli les prophéties de l’Ancien Testament. De la sorte, le christianisme reste seul fidèle aux écritures anciennes, ce qui a pour conséquence directe que les juifs, qui récusent la messianité de Jésus, perdent leur vocation à l’Alliance, vocation qui revient à l’Eglise, désormais le vrai Israël (Verus Israël) - les critères nationaux s’abolissant en Jésus et l’adhésion à sa Personne unissant tous les peuples et les langues en un nouveau Corps Mystique.

Ceci fut d’ailleurs justement exprimé par Sa Sainteté Pie XII dans son Encyclique Mystici Corporis :

- « D’abord la mort du Rédempteur a fait succéder le Nouveau Testament à l’Ancienne Loi abolie ; c’est alors que la Loi du Christ, avec ses mystères, ses lois, ses institutions et ses rites, fut sanctionnée pour tout l’univers dans le sang de Jésus-Christ. Car tant que le divin Sauveur prêchait sur un territoire restreint - il n’avait été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël - la Loi et l’Evangile marchaient de concert ; mais sur le gibet de sa mort il annula la loi avec ses prescriptions , il cloua à la Croix le ”chirographe” de l’Ancien Testament, établissant une Nouvelle Alliance dans son sang répandu pour tout le genre humain. “Alors, dit saint Léon le Grand en parlant de la Croix du Seigneur, le passage de la Loi à l’Evangile, de la Synagogue à l’Eglise, des sacrifices nombreux à la Victime unique, se produisit avec tant d’évidence qu’au moment où le Seigneur rendit l’esprit, le voile mystique qui fermait aux regards le fond du temple et son sanctuaire secret, se déchira violemment et brusquement du haut en bas.’’ » (Pie XII, Mystici Corporis, 29 juin 1943).

 

 

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Alors Pilate entra de nouveau dans le prétoire ;

il appela Jésus et dit : Tu es le roi des Juifs ?’’ Jésus répondit :

‘‘Dis-tu cela de toi-même ou d'autres te l'ont-ils dit de moi ?’’

Pilate répondit : ‘‘Est-ce que je suis Juif, moi ?

Ta nation et les grands prêtres t'ont livré à moi. Qu'as-tu fait ?’’

Jésus répondit : ‘‘Mon royaume n'est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes gens auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Mais mon royaume n'est pas d'ici.’’

(…)Pilate lui dit : ‘‘Qu'est-ce que la vérité ?’’

Et, sur ce mot, il sortit de nouveau et alla vers les Juifs.

Et il leur dit : ‘‘Je ne trouve en lui aucun motif de condamnation.

Mais c'est pour vous une coutume que je vous relâche quelqu'un à la Pâque. Voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs ?’’

Alors ils vociférèrent de nouveau, disant : ‘‘Pas lui, mais Barabbas !’’

Or Barabbas était un brigand. Pilate prit alors Jésus et le fit flageller

 

(Jean 18, 33-36 ; 39-40 ; Jean 19, 1)

 

 

T R A C T A T U S   A D V E R S O S   J U D A E O S

saint Augustin

 

 

 

SÉVÉRITÉ DE DIEU MANIFESTÉE PAR LA DESTRUCTION DU PEUPLE JUIF.

SA BONTÉ DANS LA VOCATION DES GENTILS.

L'AVEUGLEMENT DES JUIFS CONDAMNÉ PAR LES TEXTES DE L'ANCIEN TESTAMENT.

 

Le bienheureux apôtre Paul, docteur des Gentils dans la foi et la vérité, nous exhorte à demeurer stables et fermes dans une même croyance, dans la croyance dont il s'est montré le fidèle ministre : en cela, il nous donne un précepte qu'il confirme par un exemple capable de nous effrayer. « Tu vois », nous dit-il, « la sévérité et la bonté de Dieu : sa sévérité envers ceux qui sont tombés; et sa bonté envers toi, si toutefois tu demeures ferme dans cette même bonté ». Il est sûr, qu'en s'exprimant ainsi, il a voulu parler des Juifs pareils aux branches d'olivier, violemment arrachées d'une souche fertile, ils ont été séparés de leurs saints patriarches en raison de leur infidélité : afin que les Gentils fussent, à cause de leur foi, comme un olivier sauvage, greffé sur un olivier fertile, et devinssent participants de la sève à la place des branches naturelles qui en ont été privées.« Mais », dit-il encore, « garde-toi de t'élever par présomption, contre les branches naturelles car, si tu penses t'élever au-dessus d'elles, considère que ce n'est pas toi qui portes la racine, n mais que c'est la racine qui te porte ». Et parce que quelques-uns d'entre les Juifs arrivent au salut, il ajoute : « Autrement, tu seras toi-même retranché comme eux : pour eux, s'ils ne demeurent pas dans leur infidélité, ils seront greffés sur la tige, car Dieu est tout-puissant pour les y enter de nouveau (Rom. XI, 18-23) ». A ceux, au contraire, qui persévèrent dans le mal, s'adresse cette sentence prononcée par l'Eternel : « Les enfants de ce  royaume seront jetés dans les ténèbres extérieures ; là sera le pleur et le grincement de dents ». Mais aux nations qui persévèrent dans le bien, s'applique ce qui est dit auparavant : « Plusieurs viendront d'orient et d'occident, et prendront place dans le royaume des cieux avec Abraham, Isaac et Jacob (Matt. VIII, 12, 11) ». Ainsi, par une juste sévérité de la part de Dieu, l'orgueilleuse infidélité des branches naturelles leur a-t-elle mérité d'être séparées de leur racine, c'est-à-dire des patriarches, tandis que la grâce divine a greffé l'olivier sauvage sur cette racine en récompense de son humble fidélité.

 

Quand on cite aux Juifs ces passages, ils méprisent à la fois l'Evangile et l'Apôtre: ce que nous leur disons, ils rie l'entendent pas, parce qu'ils ne comprennent point ce qu'ils lisent; car, évidemment, s'ils savaient de qui le Prophète a voulu parler en ce passage « Je l'ai établi pour être la lumière des nations et le salut que j'envoie jusqu'aux extrémités de la terre (Isaïe, XLLX, 6) », ils ne seraient ni assez aveugles, ni assez malades pour ne pas reconnaître, dans le Seigneur Jésus, la lumière et le salut. Si encore ils comprenaient à quels hommes s'applique ce verset prophétique qu'ils chantent inutilement et sans profit pour eux : « Leur voix a éclaté dans toute la terre, et leurs paroles se font entendre jusqu'aux extrémités du monde » (Ps. XVIII, 5) ; ils s'éveilleraient à la voix des apôtres : et verraient que leur parole vient de Dieu. Invoquons donc le témoignage des saintes Ecritures, car elles jouissent, aussi chez eux, d'une grande autorité, et si nous ne pouvons les guérir de leur infidélité en leur offrant ce moyen de salut, nous les convaincrons du moins d'erreur par l'évidence de la vérité.

 

LES LIVRES DE L'ANCIEN TESTAMENT NOUS CONCERNENT :

NOUS EN OBSERVONS MIEUX LES PRÉCEPTES QUE LES JUIFS.

 

Nous devons d'abord réfuter une erreur commune parmi les Juifs : à les entendre, les livres de l'Ancien Testament ne nous concerneraient en aucune manière, puisque nous observons, non les anciens .rites, mais des rites nouveaux. A quoi vous sert la lecture de la Loi et des Prophètes, puisque vous ne voulez point en observer les préceptes ? Voilà ce qu'ils nous disent, parce que nous ne pratiquons pas la circoncision du prépuce sur les enfants mâles; parce que nous mangeons des viandes déclarées immondes par la Loi ; parce que nous n'observons point, d'une manière charnelle, leurs sabbats, leurs néoménies, et leurs jours de fêtes ; parce que nous n'immolons à Dieu aucune victime tirée de nos troupeaux, et que nous ne célébrons point la pâque avec un agneau et des pains azymes ; parce qu'enfin nous négligeons d'autres anciens rites, que l'Apôtre désigne sous le nom générique d'ombres des choses futures. Saint Paul les appelait ainsi, car, de leur temps, ils annonçaient la révélation -des mystères à la connaissance desquels nous avons été appelés, afin que, dégagés des ombres anciennes, nous jouissions de leur pure lumière. Il serait trop long d'engager avec eux une discussion sur chacun de ces points en particulier,de leur faire comprendre comment, en nous dépouillant du vieil homme, nous pratiquons la circoncision sans nous dépouiller de la chair de notre corps; de leur dire que nous apportons, dans nos moeurs, la sévérité qu'ils apportent dans le choix de leurs viandes : en un mot, de leur montrer que nous offrons nos corps à Dieu, comme une hostie vivante, sainte et agréable; qu'au lieu du sang des brutes, nous répandons nos âmes intelligentes en de saints désirs, et que nous sommes purifiés de toute souillure par le sang de Jésus-Christ, comme par le sang d'un agneau sans tache. A cause de la ressemblance de son corps avec un corps de péché, le Sauveur a été figuré parles boucs des anciens sacrifices, et celui qui reconnaît en sa personne la plus grande victime, ne fait point difficulté, en face des branches de la croix, de le considérer comme le taureau de la loi mosaïque. Trouvant en lui notre repos, nous observons véritablement le sabbat, et pour nous la célébration de la nouvelle lune n'est autre chose que la sanctification d'une vie nouvelle : notre pâque, c'est le Christ ; la sincérité et la vérité, voilà nos azymes; le vieux levain ne s'y trouve pas, et s'il y a d'autres mystères figurés par les présages antiques, nous ne nous arrêterons pas maintenant à les expliquer; cela est inutile : nous nous bornerons donc à dire qu'ils ont eu leur perfection en Jésus-Christ, dont le règne n'aura pas de fin. Toutes choses devaient, en effet, se trouver accomplies en Celui qui est venu, non pour détruire la Loi et les Prophètes, mais pour les accomplir (Matt. V, 17).

 

 

JÉSUS-CHRIST N'A POINT ABOLI LA LOI EN RAISONNANT :

IL L'A CHANGÉE EN L'ACCOMPLISSANT.

LE CHANGEMENT DES RITES ANCIENS A ÉTÉ PRÉDIT DANS LES PSAUMES.

 

 

Jésus-Christ n'a point aboli par le raisonnement les anciens signes des choses futures, mais il les a changés en faisant ce qu'ils prédisaient : car il voulait, pour annoncer que le Christ était déjà venu, des rites différents de ceux qui annonçaient sa venue future. Mais que signifie ce titre : « Pour ce qui doit être changé », placé en tête de certains psaumes que les Juifs ont entre les mains, auxquels ils reconnaissent l'autorité des saintes lettres ? (Le texte de ces mêmes psaumes a trait au Christ.) Evidemment il annonce le changement futur par le Christ de rites que nous savons aujourd'hui, parce que nous le voyons, avoir été changés par lui. De cette manière, le peuple dé Dieu, qui est maintenant le peuple chrétien, n'est point obligé d'observer les lois des temps prophétiques, non qu'elles aient été condamnées, mais parce qu'elles ont subi une transformation. Les mystères prédits par les anciens rites ne devaient point non plus disparaître, mais il fallait que les signes de ces mystères fussent appropriés aux époques diverses auxquelles ils étaient destinés.

 

 […]  

 

ISAÏE A PRÉDIT QUE DIEU ABANDONNERAIT LES JUIFS.

 

Mais veuillez porter, pendant quelques instants, votre attention sur des passages plus précis que je vais vous citer. Lorsque vous entendez parler du bon Israël, vous dites C'est nous; quand il est question du bon Jacob, vous dites encore : Nous voilà. Et si l'on vous en demande la raison, vous répondez c'est que le patriarche, de qui nous descendons, s'appelait indifféremment Jacob et Israël voilà pourquoi on nous désigne avec justice par le nom de notre père. Vous êtes plongés dans un lourd et profond sommeil; aussi ne voulons-nous point vous insinuer des choses spirituelles qui dépassent les limites de votre intelligence. Nous ne prétendons point maintenant vous apprendre le sens spirituel de ces deux mots, à cause de votre surdité et de votre cécité d'âme. Comme vous l'avouez, en effet, et comme on le voit clairement en lisant le livre de la Genèse, le même homme s'appelait tout à la fois Jacob et Israël; aussi vous glorifiez-vous de ce que la maison de Jacob est en même temps la maison d'Israël.

 

Expliquez -nous donc ceci : le Prophète annonce d'abord qu'une montagne sera placée sur la cime des monts, et que toutes les nations se dirigeront vers elle, parce que la parole et la loi du Seigneur doivent sortir, non du Sinaï pour éclairer un seul peuple, mais de Sion et de Jérusalem pour illuminer tous les peuples: ce qui a eu lieu évidemment en Jésus-Christ, et pour les chrétiens. Un peu plus loin, le même prophète dit encore : « Et maintenant, ô maison de Jacob, venez : marchons à la lumière du Seigneur ». Selon votre habitude, vous allez certainement dire Nous voilà. Mais arrêtez-vous un peu à ce qui suit : de la sorte vous entendrez ce que vous ne voulez pas entendre, après avoir dit ce que vous vouliez dire. Le prophète ajoute immédiatement ces paroles : « Car il a rejeté son peuple, la maison d'Israël (Isaïe, II, 5, 6.) ». Ici, dites : Nous voilà : ici, reconnaissez-vous, et pardonnez-nous de vous avoir rappelé ces passages. Si, en effet, vous les entendez volontiers, ils serviront à vous attirer : si, au contraire, ils vous irritent, ils tourneront à votre honte.

 

Consentez-y, n'y consentez pas, il faut que vous les entendiez. Ce n'est pas moi qui vous parle; c'est un prophète dont vous lisez les écrits : par son organe, le Seigneur vous a certainement parlé; sols livre jouit de l'autorité des saintes Ecritures, et vous ne pouvez l'en dépouiller. Suivant le commandement du Seigneur, il crie avec véhémence ; pareil à une trompette, il élève la voix ; il vous réprimande en ces termes (Id. LXVIII, 1) : « Et maintenant, ô maison de Jacob, venez; marchons à la lumière du Seigneur». Dans la personne de vos ancêtres, vous avez mis le Christ à mort. Depuis lors, vous avez refusé de croire en lui vous êtes restés en opposition avec lui; mais vous n'êtes point encore condamnés sans remède, parce que vous n'êtes pas encore sortis de ce monde : vous avez maintenant facilité de vous repentir; venez donc maintenant vous deviez le faire autrefois; faites-le aujourd'hui. Le temps propice n'est pas écoulé pour celui qui n'a pas encore entendu sonner sa dernière heure. Mais si en qualité de maison de Jacob, vous avez suivi le prophète, et qu'à votre sens, vous marchiez dans la lumière du Seigneur, montrez-nous la maison d'Israël qu'il a abandonnée. Pour nous, nous vous montrons, d'une part, ceux que le Seigneur a appelés et séparés de cette maison, et de l'autre, ceux qui ont voulu y rester et qu'il a rejetés. Du milieu d'Israël il a appelé non seulement les Apôtres, mais aussi, après la résurrection du Christ, un peuple immense : nous en avons déjà parlé plus haut; mais il a rejeté ceux dont vous suivez les traces, en refusant de croire; il vous a rejetés vous-mêmes, car, en les imitant, vous persévérez dans le même égarement. Ou bien, si vous êtes vraiment ceux qu'il a appelés, où sont ceux qu'il a rejetés? Vous ne pouvez pas dire qu'il a rejeté une autre maison quelconque, car le Prophète dit clairement : « Il a rejeté son peuple, la maison d'Israël ». Voilà ce que vous êtes, et vous n'êtes pas ce que vous prétendez être.

 

Il a rejeté aussi la vigne dont il attendait des raisins et qui ne lui a donné que des épines, et il a défendu à ses nuées de laisser tomber sur elle une seule goutte de pluie. Mais il en a aussi appelé d'autres du même lieu, ce sont ceux auxquels il dit : « Jugez entre moi et ma vigne (Isaïe, V, 2-6) ». Le Seigneur parle d'eux en ces termes : « Si c'est par Belzébuth que je chasse les démons, par qui vos enfants les chasseront-ils ? C'est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges (Matt. XII, 27) ». Puis il leur fait cette promesse: « Vous serez aussi assis sur douze trônes , et vous jugerez les douze tribus d'Israël (Id. XIX, 28)». La maison de Jacob, qui par fidélité à la vocation divine a marché dans la lumière du Seigneur, s'assoira donc pour juger Israël, c'est-à-dire son peuple abandonné par lui. Comment d'ailleurs peut-il se faire que, selon le même prophète, « la pierre rejetée par ceux qui bâtissaient ait été placée à la tête de l'angle (Isaïe, XXVIII, 16 ; Ps. CXVII, 22) », sinon, parce que des peuples circoncis et des peuples incirconcis , semblables à des murs élevés en sens divers, viennent se réunir dans l'angle comme dans un baiser de paix ? Aussi l'Apôtre dit-il « C'est lui qui est notre paix, et qui, des deux peuples, n'en a fait qu'un (Eph. II, 14) ». Ceux d'entre les enfants de Jacob ou d'Israël qui ont écouté la voix qui les appelait, sont donc adhérents à la pierre angulaire, et marchent dans la lumière du Seigneur; mais ceux qui édifient des ruines et rejettent la pierre angulaire, sont ceux dont le Prophète a prédit l'abandon.

 

ABANDON DES JUIFS PLUS CLAIREMENT PRÉDIT PAR MALACHIE.

 

      Le sacrifice des chrétiens est offert partout, sur la terre et dans le ciel. Enfin, ô Juifs, voulez-vous compromettre votre salut en résistant au Fils de Dieu, et détourner de leur vrai sens ces paroles prophétiques pour les expliquer suivant les inclinations de votre cœur? Voulez-vous, dis-je, entendre ces paroles en ce sens que la maison de Jacob et d'Israël désigne un même peuple, tout à la fois appelé et rejeté de Dieu, non un peuple dont certains membres auraient été appelés, tandis que les autres auraient été rejetés, mais un peuple appelé dans tous ses membres, pour marcher dans la lumière du Seigneur, après avoir été rejeté pour n'y avoir pas marché : ou bien, une nation, de telle sorte appelée dans les uns et rejetée dans les autres, que nulle division relative au sacrifice du Christ n'ayant eu lieu dans la table du Seigneur, on voit réunis, dans l'observance uniforme des anciens rites, ceux qui marchent dans la lumière du Seigneur et observent ses préceptes, et ceux qui ont méprisé sa justice et mérité d'en être abandonnés? Si vous prétendez interpréter ainsi ces prophéties, que direz-vous? Comment comprendrez-vous cet autre prophète qui vous coupe entièrement la parole, quand il vous adresse ces mots si clairs : « Mon affection n'est point en vous, dit le Seigneur tout-puissant; et je ne recevrai point de sacrifice de votre main, car, depuis le lever du soleil jusqu'au couchant, mon nom est devenu grand parmi les nations et l'on me sacrifie en tous lieux; et l'on offre à mon nom une ablation toute pure, parce que mon nom est grand parmi les nations, dit le Seigneur tout-puissant (Malach. I,10,11 )». A ce témoignage d'une évidence palpable, quel autre témoignage aussi éclatant pouvez-vous opposer? Pourquoi vous élever encore avec une intolérable impudence ? Est-ce que vous n'en périrez pas d'une manière plus malheureuse ? Votre chute n'en sera que plus lourde.

 

 « Mon affection n'est pas en vous, dit », non pas le premier venu, mais « le Seigneur tout-puissant». Toutes les fois que vous entendez parler, d'une manière quelque peu avantageuse, de Jacob ou d'Israël, de la maison de Jacob ou de celle d'Israël, il semblerait, à vous croire, qu'il a été impossible de parler d'autres que de vous. Pourquoi donc vous enorgueillir ainsi d'appartenir à la race d'Abraham, quand le Seigneur tout-puissant vous dit : « Mon affection n'est point en vous, et je ne recevrai pas de sacrifice de votre main? » Certes, vous ne pouvez le nier non-seulement il ne reçoit point de sacrifice de votre main, mais vos mains ne lui en offrent pas même un. D'après la loi de Dieu, l'endroit où vous devez offrir des sacrifices a été formellement désigné : cet endroit est unique, hors de là, tout sacrifice vous est interdit : aussi, parce que vos fautes vous ont mérité d'en être exclus, vous n'osez, nulle part ailleurs, offrir le sacrifice qu'il vous était permis d'offrir en ce seul endroit, et ainsi s'accomplit parfaitement la prédiction du Prophète : « Et je ne recevrai point de sacrifice de votre main ». Car, si dans la Jérusalem terrestre il vous restait un temple et un autel, vous pourriez dire que l'oracle de Malachie a été accompli à l'égard de ceux d'entre vous dont Dieu rejette les sacrifices à cause de leurs iniquités, tandis qu'il accepte les offrandes de ceux qui, parmi vous, observent ses commandements. Aucun motif ne vous autorise à tenir ce langage, puisqu'aucun de vous ne peut offrir de sa main un sacrifice selon la loi donnée sur le mont Sinaï. La prédiction et son accomplissement ne vous permettent pas non plus d'opposer à la sentence du Prophète cette réponse : Nous n'offrons fias de nos mains la chair des animaux, mais nous offrons, de coeur et de bouche, le tribut de nos louanges, selon cette parole du Psalmiste  : « Immolez à Dieu un sacrifice de louange (Ps. XLIX, 14) ». Ici encore, vous êtes démentis par Celui qui a dit : « Mon affection n'est pas en vous ».

 

Ensuite, de ce que vous n'offrez à Dieu aucun sacrifice, et de ce qu'il n'en reçoit pas de votre main, il ne suit nullement qu'on ne lui en offre aucun. Celui qui n'a besoin d'aucun de nos biens, n'a pas, à la vérité, plus besoin de nos offrandes; elles lui sont inutiles, mais elles nous procurent de grands avantages. Cependant, comme on lui fait de ces offrandes, le Seigneur ajoute ces paroles « Parce que, depuis le lever du soleil jusqu'à son couchant, mon nom est devenu grand parmi les nations, et l'on me sacrifie en tous lieux, et l'on offre à mon nom une oblation toute pure, car mon nom est grand parmi les nations, dit le Seigneur tout-puissant ». A cela que répondrez-vous? Ouvrez donc enfin les yeux et voyez : on offre le sacrifice des chrétiens partout, et non pas en un seul endroit, comme on vous l'avait commandé : on l'offre, non à un Dieu quelconque, mais à Celui quia fait cette prédiction, au Dieu d'Israël. C'est pourquoi il dit ailleurs, en parlant à son Eglise : « Celui qui vous a sauvée, c'est le Dieu d'Israël qui sera appelé le Dieu de toute la terre (Isa. LIV, 5) ». Vous lisez avec soin les Ecritures, parce que vous croyez y trouver la vie (Jean, V, 39). Vous l'y trouveriez, en effet, si vous compreniez qu'il est question du Christ, si elles servaient à vous le faire reconnaître. Mais lisez-les avec plus d'attention encore; elles rendent témoignage de ce sacrifice pur offert au Dieu d'Israël, non par votre seul peuple, des mains duquel il a prédit qu'il n'en accepterait point, mais par toutes les nations qui disent : « Venez, montons à la montagne du Seigneur (Isa. II, 3) » : non en un seul endroit, dans la Jérusalem terrestre, comme cela vous était prescrit, mais par toute la terre et jusque dans la Jérusalem véritable : non selon l'ordre d'Aaron, mais selon l'ordre de Melchisédech, car il a été dit au Christ, et, aussi longtemps d'avance, il a été prédit du Christ: «Le Seigneur a juré, et son serment demeurera immuable: Vous êtes le prêtre éternel selon l'ordre de Melchisédech (Ps. CIX, 4.) ». Qu'est-ce à dire : « Le Seigneur a juré », sinon qu'il a affirmé sur son indéfectible vérité? « Et il ne se repentira pas », si ce n'est qu'il ne changera jamais, pour aucun motif, ce sacerdoce? Car Dieu ne se repent pas comme l'homme. On dit que Dieu se repent quand il change une chose établie par lui, et qui paraissait devoir durer. Aussi, lorsqu'il dit: «Il ne se repentira pas: Vous êtes le prêtre éternel selon l'ordre de Melchisédech », il montre suffisamment qu'il s'est repenti, c'est-à-dire, qu'il a voulu changer le sacerdoce établi par lui selon l'ordre d'Aaron. Nous avons sous les yeux  l'accomplissement de la prophétie relative à ces deux sacerdoces : dans aucun temple, en effet, il n'y a plus trace du sacerdoce d'Aaron, et celui du Christ subsiste éternellement dans le ciel.

 

Le Prophète vous appelle donc à cette lumière du Seigneur lorsqu'il dit : « Et main« tenant, vous, maison de Jacob, venez, marchons dans la lumière du Seigneur : Vous, maison de Jacob », qu'il a appelée et choisie, non pas « vous », qu'il a rejetés. « Car il a rejeté son peuple, la maison d'Israël (Isa. II, 5,6) ». Tous ceux d'entre vous qui voudront venir de cette maison d'Israël , appartiendront à celle que le Seigneur a appelée : ils seront séparés de celle qu'il a rejetée. En effet, la lumière du Seigneur, dans laquelle marchent les nations, est celle dont le même Prophète a parlé en disant : « Voilà que je Vous ai établi pour être la lumière des nations, et le salut que j'envoie jusqu'aux extrémités de la terre (Id. XLIX, 6.) ». A qui ces paroles ont-elles été adressées, si ce n'est au Christ? En qui ont-elles reçu leur accomplissement, si ce n'est dans le Christ? Cette lumière ne se trouve point en vous, car il est encore écrit de vous « Dieu leur a donné, jusqu'à ce jour, un esprit d'assoupissement , des yeux qui ne voient point, et des oreilles qui n'entendent pas (Rom. XI, 8)». Non, dis-je, cette lumière n'est point en vous : aussi, par excès d'aveuglement, vous rejetez la pierre qui est devenue la tête de l'angle. «Approchez-vous donc de lui, afin que vous en soyez éclairés (Ps. XXXIII, 6) ». Qu'est-ce à dire : « Approchez-vous », sinon, croyez; car, pour vous approcher de lui, où irez-vous, puisqu'il est cette pierre dont parle le prophète Daniel, et qui, en grossissant est devenue une montagne si grande, qu'elle a rempli toute la terre (Daniel, II, 35)? De là vient que les nations mêmes qui disent : « Venez, montons à la montagne du Seigneur », ne font nulle part aucun effort pour marcher et parvenir au but : elles montent là où elles se trouvent, car en tout lieu on offre un sacrifice selon l'ordre de Melchisédech ; et, selon ce passage d'un autre prophète : « Dieu anéantit tous les dieux des nations, et il est adoré par tout homme en tout pays (Soph. II, 11) ». Lors donc qu'on vous dit «Approchez-vous de lui », on ne vous dit pas : préparez vos vaisseaux ou vos bêtes de somme, chargez-les de vos victimes, venez d'une contrée si lointaine, et arrivez à l'endroit où le Seigneur agréera les sacrifices offerts par votre piété. Mais on vous dit : Approchez-vous de Celui que vos oreilles entendent annoncer; approchez-vous de Celui dont la gloire éclate à vos yeux : vous ne vous fatiguerez point à marcher, car dès que vous croirez, vous serez près de lui.

 

 

AVEC QUELLE CHARITÉ IL FAUT ATTIRER LES JUIFS A LA FOI.

 

       Que les Juifs écoutent volontiers ces divers témoignages, ou qu'ils en ressentent de l'indignation, nous devons, très chers frères, quand nous le pouvons, les leur rappeler en leur montrant que nous les aimons. Ne nous élevons point avec orgueil contre les branches séparées du tronc; souvenons-nous plutôt de la racine sur laquelle nous avons été greffés rappelons-nous par la grâce dé qui, et avec quelle miséricordieuse bonté, et sur quelle racine nous avons été entés . ne nous élevons pas, mais tenons-nous dans l'humilité (Bède ou Florus , sur l'ép. aux Rom. XI). Ne les insultons pas présomptueusement , mais tressaillons d'une joie mêlée de crainte, et disons-leur : « Venez et marchons dans la lumière du Seigneur, parce que son nom est grand parmi les nations (Ps. II, 11) ». S'ils nous entendent et qu'ils nous écoutent, ils auront place parmi ceux à qui il a été dit : « Approchez-vous de lui, et il vous éclairera. Et vos visages ne rougiront point de honte (Rom. XI) ». Si, au contraire, ils nous entendent et ne nous écoutent pas, s'ils nous voient et nous portent envie, ils sont du nombre de ceux dont il a été dit : « Le pécheur verra et il en sera irrité; il grincera des dents et séchera de dépit (Ps. CXI, 10) ». « Pour moi », dit l'Eglise au Christ, «je serai dans la maison du Seigneur comme un olivier qui porte du fruit : j'ai mis mon espérance dans la miséricorde de Dieu pour l'éternité et pour les siècles des siècles (Ps. LI, 10) ».

 

 

Traduction de M. l'abbé AUBERT, in Oeuvres complètes de saint Augustin traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, L. Guérin & Cie, éditeurs, 1869, Tome 14,p. 23-32.