Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

16/09/2008

Le jansénisme : une « hérésie » imaginaire

ph040749.jpg


Cornélius Jansénius, évêque d’Ypres
(1585-1638)

 



Le jansénisme, comme on le sait, en tant que courant spirituel et religieux apparaissant au XVIIe siècle, provient non pas, loin s’en faut, de son attachement à des principes théologiques hétérodoxes que l’on serait d’ailleurs bien en peine de découvrir chez lui, mais simplement d’une rigoureuse et droite fidélité exprimée par certains chrétiens à l’égard de la pensée de saint Augustin. Toutefois, puisque ce courant possède une histoire nettement définie qui s’inscrit au cœur d’un très ancien débat doctrinal portant sur la question de la grâce divine qui opposa l’évêque d’Hippone au moine Pélage [1] dont il n’est que l’expression spécifique à l’âge classique, il convient de bien comprendre les causes qui participèrent à l’édification structurée et active de cette légitime sensibilité au sein de l’Eglise.

 

 

 

 

Lire la suite

22/06/2008

DE LA FREQUENTE COMMUNION

 
 
 
 
 
où le sentiment des Pères, des papes et des conciles,
touchant à l’usage des sacrements de pénitence et d’eucharistie,
sont fidèlement exposés.

 

 
saint_sacrement_jean_jacques_olier.jpg




 

« La préparation nécessaire pour communier souvent,
est de mépriser de tout son cœur le siècle et le monde,
et d’offrir à Dieu tous les jours des sacrifices de larmes
avant que de lui offrir celui de son corps et de son sang.
»

(De la Fréquente communion)

 


Combien de scandales actuels, de communions sacrilèges et indignes, de célébrations honteuses, d’outrages incroyables, auraient été évités si les sages et judicieux rappels d’Antoine Arnauld (1612-1694), exposés dans son ouvrage essentiel « De la Fréquente communion »(1643), rappels fondés sur les pères de l’église, les saints et les docteurs de la foi, avaient été écoutés et surtout suivis d’effets au moment où se faisaient déjà entendre, en plein XVIIe siècle et sous la plume des auteurs Jésuites, peu inspirés promoteurs d’un laxisme théologique aberrant aux fruits délétères, les sirènes du relâchement moral et de la désorientation doctrinale au sein même de l’église, sirènes justement dénoncées dans ses célèbres « Provinciales », (Lettres écrites par Louis de Montalte à un Provincial de ses amis et aux R.R. Pères Jésuites), par Pascal (1623-1662).

 

L’abbé Henri Bremond (1865-1933), que l’on ne peut suspecter d’une sympathie excessive à l’égard de Port-Royal, déclarait à propos de cet ouvrage d’Antoine Arnauld :  « Dire que La Fréquente Communion d’Arnauld - un des livres sacrés du jansénisme - avait pour objet de rendre la Sainte Table inaccessible, non seulement aux grands pécheurs non convertis, mais à tous les fidèles en état de grâce (…) cela n'est pas exact. Je ne dis pas, d'ailleurs, que le livre d'Arnauld soit irréprochable, bien qu'après un mûr examen, Rome ait refusé de le condamner, mais je dis que, bien loin de défendre la communion fréquente aux personnes pieuses - et c'est là présentement la seule question qui nous intéresse, - Arnauld en recommande expressément la pratique. Tous ceux qui conduisent les âmes, lisons-nous dans la préface, doivent avoir pour but et pour fin de les mettre dans une telle disposition qu'elles puissent commencer à communier, si elles ne communient pas encore; ou souvent, si elles ne communient que rarement; ou même communier tous les jours, si elles .peuvent déjà communier souvent.... Nous voudrions, s'il était possible, porter les chrétiens à communier (quatre fois par jour), tant s'en faut que nous leur voulussions ôter cette unique communion de tous les jours, à laquelle tout le monde doit tendre, puisque la perfection d'un chrétien consiste à pouvoir s'approcher chaque jour du Fils de Dieu, comme ont fait les chrétiens au commencement de l'Eglise… » (H. Bremond, Histoire littéraire du sentiment religieux, t. XI, Chapitre II, § 1, 1942).

 

 
arnauld2.jpg

 

Antoine Arnauld (1612-1694)
dit le « Grand Arnauld »
auteur « De la Fréquente communion » (1643)

 

Ainsi, contrairement à ce qui fut dit, et selon une opinion générale encore aujourd’hui fort répandue et entretenue à dessein, la volonté de Port-Royal ne fut point de pousser les chrétiens à s’éloigner de la Sainte Table et de l’eucharistie, mais de les engager à s’en approcher saintement, avec un sincère repentir et une vraie contrition, et surtout un très ferme regret de leurs fautes et un vif sentiment de leur indignité, de sorte de pouvoir aller à la « Table du Seigneur » (1 Corinthiens 10, 21) en un état moral convenable et conforme à la Sainteté de Dieu. De les inviter à se mettre en Sa présence avec un esprit de sincère pureté - car l’activité pernicieuse et malsaine de la « chair » en nous, qui nous souille et nous conduit à pécher constamment, alors que nous sommes plongés dans les ténèbres, égarés dans nos pensées, nos affections et désirs impurs, n’ayant aucune idée juste de Dieu ni de nous-mêmes, aucun sentiment de notre état réel de chute, de misère et de mort, notre coeur cherchant à se rendre heureux dans la gratification de ses infectes convoitises, fasciné par « le monde et les choses qui sont dans le monde », toutes ces "choses" sont de redoutables et puissantes entraves à la communion avec le Seigneur - Il est Saint, et il est indispensable de se savoir misérable pécheur face à Lui, faute de quoi il est impossible d'avoir part avec Lui (Jean 13, 8). L'Esprit de Dieu nous y exhorte clairement : « Ôtez le vieux levain, afin que vous soyez une nouvelle pâte, comme vous êtes sans levain. Car aussi notre pâque, Christ, a été sacrifiée: c'est pourquoi célébrons la fête, non avec du vieux levain, ni avec un levain de malice et de méchanceté, mais avec des pains sans levain de sincérité et de vérité. » (1 Corinthiens 5, 7-8).

 

+

 

Lisons donc avec attention ce texte important, malheureusement bien oublié par un catholicisme moderne enivré par ses passions charnelles et son infâme sensualisme, qui nous fournit pourtant de bien précieux conseils, et offre au chrétien de comprendre le sens réel de l’acte de communion, en se fondant sur l’affirmation de Paul aux Corinthiens : « Celui qui mangera le pain ou boira la coupe du Seigneur indignement, sera coupable envers le corps et le sang du Seigneur (…) celui qui mange et boit sans discerner le corps du Seigneur, mange et boit un jugement contre lui-même » (1 Corinthiens 11, 27 & 29), et lui évite de s’égarer grandement en se livrant à des actes religieux impies dans une ignorance coupable des conditions requises afin de s’approcher du Saint Sanctuaire où Dieu se donne, aux âmes éprises des vérités du Ciel, par son Corps et par son Sang :

 


     « Nous apprenons bien de Saint Paul, qu’il faut prendre un extrême soin pour se disposer à la participation de ces saints mystères, de peur d’y participer à notre condamnation, et de là nous avons raison d’inférer contre les hérétiques de notre temps, que puisqu’il faut apporter à cette table une conscience pure ; ceux à qui des péchés mortels ont fait perdre la pureté de leur âme, la doivent premièrement recouvrer par les moyens institués par Jésus-Christ, c’est à dire, en s’adressant au tribunal qu’il a établi dans son église, pour recevoir par l’entremise des prêtres la rémission de leurs péchés.

 
      Voila de quelle sorte la confession est enfermée dans le commandement que Saint Paul fait de s’éprouver soi-même, avant que de manger ce pain du ciel : mais que ce commandement ne contienne autre chose, c’est ce qui ne se peut soutenir sans ravaler indignement la révérence que l’on doit à ce sacrement auguste, et ce qu’il est aisé de réfuter par l’apôtre même, pour ne rien dire maintenant de tous les pères. Car comme l’auteur du commentaire attribué à Saint Anselme, et avant lui Saint Augustin ont remarqué excellemment, Saint Paul ne reprend pas les Corinthiens de s’être approchés indignement de l’eucharistie, pour y avoir apporté une conscience chargée de crimes, sans s’être confessés auparavant ; mais pour n’avoir pas assez bien distingué cette viande sainte des viandes communes, par la révérence particulière qui lui est due.

     Ce que nous voyons, disent-ils, en ce qu’ayant dit qu’un tel homme mange et boit sa condamnation, il ajoute aussitôt ces paroles, ne discernant pas le corps du Seigneur ; de sorte qu’il est manifeste, que le principal dessein de l’apôtre n’est pas, que l’on soit hors de l’état du péché mortel lors que l’on communie, comme la plupart des Corinthiens étaient sans doute : mais qu’il demande bien davantage ; et qu’outre une plus grande pureté de l’âme, que celle d’être délivré simplement des péchés mortels, il veut que l’on y apporte une circonspection merveilleuse, et un respect extraordinaire.


[…]

   Pour ramener les choses à leur source, comme Saint Paul nous assure, qu’il a appris de la bouche du seigneur ce qu’il nous enseigne ; toutes ces préparations de l’eucharistie sont renfermées en ce précepte de Jésus-Christ, de célébrer ce mystère en mémoire de sa mort. (...). Est-ce là n’obliger les hommes qu’à se confesser pour manger ce corps, et boire ce sang, selon les enseignements de Jésus-Christ et de Saint Paul, après avoir tant de fois foulé aux pieds ce même sang, par des offenses mortelles ?


[…]

   La préparation nécessaire pour communier souvent, est de mépriser de tout son cœur le siècle et le monde, et d’offrir à Dieu tous les jours des sacrifices de larmes avant que de lui offrir celui de son corps et de son sang. Comment est-ce après cela que vous prétendez vous servir de cette êpitre pour porter à la fréquente communion ceux dont la vie est toute païenne ; qui sont attachez prodigieusement au monde, et qui ne respirent que ses délices ?


[…]

   Contre les hérétiques de ce temps [rappelons qu’] il ne faut point approcher de l’eucharistie, sans avoir découvert le fonds de sa conscience au prêtre, et sans avoir contrition de son péché (…) on ne peut communier, que lors qu’il n’intervient aucun péché mortel ; [car] tous les péchés qui tuent l’âme, portent avec eux la séparation de l’autel ; il faut faire pénitence (Saint Augustin ne dit pas seulement qu’il faut confesser son péché, mais qu’il en faut faire pénitence) avant que de recevoir ce remède salutaire : et enfin que c’est recevoir indignement le corps de Jésus-Christ, que de le recevoir durant le temps où l’on doit faire pénitence. Ce qui marque clairement qu’après les offenses mortelles, on doit être [dans] un espace de temps raisonnable, comme Saint Cyprien en parle, à se purifier par les bonnes œuvres, avant que d’approcher de l’eucharistie.


[…]

   Il ne faut recevoir ce sacrement qu’avec une grande révérence, et sainteté ; suivant le précepte de Saint Paul de s’éprouver soi-même, avant que de manger ce pain, et boire ce sang. »

 

De la Fréquente communion,
où le sentiment des Pères, des papes et des conciles,
touchant à l’usage des sacrements de pénitence et d’eucharistie,
sont fidèlement exposés,
Antoine Arnauld, 1643, Chapitre II, § 2.